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Les neuf positions du skieur italien

Malgré la crise, des millions d’Italiens et de touristes se sont déversés sur les pistes de ski. Depuis les plus riches, comme l’émir du Qatar, qui a pris vingt chambres dans l’hôtel le plus coûteux de Cortina, aux plus pauvres qui arrivent en car, skient et repartent sans même enlever leurs chaussures. Voici un échantillonnage des types qu’il est possible de rencontrer sur les pistes italiennes.

Le skieur dernière mode. L’important pour lui n’est pas de pratiquer la glisse, mais de défiler comme sur une passerelle. Vestes thermiques ultralégères aux couleurs éclatantes, chaussures dernier cri avec mousse de confort, skis assortis au bonnet, lunettes de marque. Coût de l’équipement: environ vingt mille euros. Dommage qu’il ne lui serve à rien. En effet, on peut le voir, toujours immobile au bord de la piste, en train de se faire bronzer ou de téléphoner sur son portable. Le seul moyen de le faire skier est de passer devant lui, vêtu d’une combinaison d’un modèle plus récent que la sienne. Il vous suivra pour vous demander où vous l’avez achetée.
Le journalier inquiet. Skieur avec peu d’argent et peu de vacances, qui ne dispose que d’une journée pour s’adonner à ce sport et qui doit l’exploiter au maximum. Il arrive devant le remonte-pente dès 6 h 30 du matin et proteste aussitôt parce qu’il ne part pas. Il fait les pistes sans presque jamais virer, pour aller plus vite et recommencer plusieurs fois. Dans les queues devant le téléphérique, il essaie de vous doubler en vous enfilant les raquettes dans le derrière et en marchant sur vos skis. Il mange en skiant, ou sur le siège du remontepente. Après dix heures d’un tel rythme, il retourne frénétiquement à sa voiture et repart à toute vitesse, perdant presque toujours ses skis sur l’autoroute et oubliant un de ses enfants sur les pistes.
Le «killer». Catégorie en augmentation inquiétante. S’il sait skier, il descend tout schuss à une vitesse folle. S’il ne sait pas, il se met en travers de la piste, bloquant tout passage. Dans les deux cas, il considère les autres skieurs comme des piquets de slalom, ou comme des quilles. Il passe entre eux, les ignore et souvent, les abat.
Quand il ne les tue pas, comme cela arrive parfois, ne vous hasardez pas à lui dire d’aller doucement. La réponse serait : «Enlevez-vous du milieu, vous ne savez pas skier.» Une seule satisfaction : on peut souvent le voir agrippé à un arbre de la forêt, contre lequel il s’est écrasé à grande vitesse.
Le bambin bombe. Bambin d’un mètre de hauteur environ qui, dans la position de descente dite «de l’oeuf», parcourt toute la piste sans s’arrêter. On ne voit ni ses parents ni sa famille. Il ne tombe jamais et dès qu’il a fini sa descente, il rentre chez lui jouer à la PlayStation, à un jeu qui consiste à skier toujours tout droit sans s’arrêter.
L’escorté. De plus en plus nombreux sur les pistes italiennes, les VIP escortés. Cela va des filles de l’émir du Qatar au pilote de course Schumacher, des députés aux starlettes. Chacun est encadré par deux ou trois carabiniers ou gorilles slalomeurs. Heureusement que Berlusconi ne skie pas, sinon avec ses 70 gardes du corps, il occuperait tout un glacier.
Le démon du snowboard. Ado qui surgit devant vous en snowboard, en sautant et en se livrant à des évolutions spectaculaires. Il a presque toujours un iPod pour écouter de la musique. Mais même s’il est doué, il heurtera tôt ou tard un caïman. A ce moment-là éclatera une rixe intergénérations, surtout si le caïman dont il a fracturé les skis est son père.
Le frigorifié. Il a toujours froid, au point qu’il ne sait pas pourquoi il est venu aux sports d’hiver. Il tremble devant vous en attendant le remontepente. Sur le télésiège, il fait de la gym et tout le monde se balance avec lui. Pour se réchauffer, il boit six verres d’eau-de-vie et vous ne saurez jamais si tous les virages qu’il fait sont le fruit de son talent ou de son ivresse.
Le chanteur. Tout en dévalant les pentes, il chante des chants tyroliens, des chansons populaires, des hymnes nationaux. Il chante surtout sur le télésiège, où l’on peut mieux l’entendre. Après l’avoir entendu durant une heure, vous avez presque envie d’inciter un caïman à l’attaquer.
Le chuteur. Type de skieur malchanceux. Il chute dès la première descente. Il tente ensuite de retrouver la position debout, mais n’y arrive pas. Plus il essaie de remettre ses skis, plus il s’enfonce dans la neige et s’emmêle dans ses pinceaux. Vous faites plusieurs descentes et vous le voyez toujours planté sur la piste, avec de la neige jusqu’au cou. Il n’est sauvé que si quelqu’un tombe à côté de lui, ce qui lui permet également de faire un peu de conversation.

(Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli)

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