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La «fabulocratie» italienne

Le mensonge et l’hypocrisie ont toujours été l’accompagnement obligé de tout gouvernement. Mais aujourd’hui, en Italie, tout est fondé, de manière impudique, sur le mensonge médiatique. C’est une «fabulocratie», basée sur l’anesthésie de l’opinion publique. Le dernier mensonge colossal a concerné Alitalia. Berlusconi avait juré qu’il la sauverait, qu’il y aurait très peu de licenciements et qu’il en ferait une grande compagnie d’aviation. Mensonge. Il y aura au moins 10 000 licenciements et Alitalia sera réduite à une poignée de cerfs-volants. Comme ça, peut-être qu’un jour, Berlusconi l’achètera pour lui.

Autre mensonge: les chiffres disent que l’économie italienne va mal, que la production industrielle et la consommation sont en baisse. Berlusconi soutient que notre pays possède un patrimoine solide. Sans doute fait-il allusion au sien, qui a triplé depuis qu’il est entré en politique. Au commencement de la guerre en Géorgie, le gouvernement italien a mis les Russes en garde. Après plusieurs coups de fil à Vladimir Poutine et un accord sur le pétrole, Berlusconi a dit: «Il faut écouter les arguments des Russes, ils n’ont aucune visée sur l’Ossétie.» Deux heures plus tard, Poutine a dit: «L’Ossétie nous appartient.»

Marchand de salades. Avant les Jeux olympiques de Pékin, on brandissait toutes sortes de sanctions. Après les JO, l’Italie a signé de nouveaux contrats industriels, très juteux, avec la Chine. La Ligue [du Nord, membre du gouvernement, ndlr] et le gouvernement ont déclaré qu’on ne traite pas avec l’Islam. Berlusconi réalisera une grosse affaire en construisant une autoroute en Libye. Et pour finir, un mensonge sans gravité, mais pathétique: Silvio a dit à plusieurs reprises qu’il mesure 1,72 m. Dix centimètres de mensonge, plus ou moins le nez de Pinocchio. Mais Berlusconi n’est pas le seul marchand de salades. Le maire de Rome, Gianni Alemanno, et le ministre de la Défense, le mussolinien nostalgique Ignazio La Russa, ont dit que le fascisme était une chose, et que les lois raciales en étaient une autre. Une falsification historique, ou une découverte sensationnelle, qu’ils ont été les seuls à faire.

Autre série de mensonges. Gianni Petrucci, le président du Comité olympique Italien, dit que l’Italie est un pays qui fait des progrès dans le domaine sportif, alors que depuis les cinq derniers JO, les médailles diminuent et que dans les établissements scolaires, le sport préféré consiste à tabasser quelqu’un, filmer la scène et la diffuser sur YouTube. Walter Veltroni, le président du Pd [Parti démocrate, gauche, ndlr], dit que ceux qui critiquent son leadership veulent faire parler d’eux dans la presse et seraient prêts à tout pour une photo. Il va d’un talk-show à l’autre et avant les élections, il a fait le tour de Rome en compagnie de George Clooney et de Roberto Benigni. La ministre de l’Education, Mariastella Gelmini a dit: «J’ai toujours pensé qu’il faut rendre transparents et irréprochables les examens d’entrée à l’université.» Mais en ce qui la concerne, elle a passé ses examens non pas à Milan, mais à Reggio de Calabre, où il est plus facile d’être reçu. La ministre néobigote et ancienne pin-up Mara Carfagna a proposé une nouvelle loi contre la prostitution, jurant qu’elle serait efficace. Mensonge: seules quelques pauvres filles qui font le trottoir se retrouveront en prison. Mensonges au plus haut niveau: Napolitano a dit que la constitution doit inspirer chacun de nos actes politiques. Mensonge. La constitution dit que tout citoyen est égal devant la loi, et il a signé un décret qui donne l’impunité aux plus hauts représentants de l’Etat, surtout au Premier ministre.

Pour finir, deux sacrés mensonges du pape, et de taille. Le premier, c’est que l’Eglise versa la majeure partie de ses fonds aux pauvres. Faux: le Vatican garde pour lui 90 % de ses avoirs. Le second, c’est qu’en Italie, il n’y a pas d’hommes politiques catholiques. Lors des dernières élections, c’était à qui serait le plus bigot, et une légion de politiciens divorcés soutenaient l’indissolubilité du mariage.

«Yachts». Dernier mensonge, qui concerne aussi la France: Berlusconi aime Sarkozy. Ce n’est pas vrai, au fond de son cœur, il le déteste car celui-ci lui vole la vedette. Rappelez-vous la phrase célèbre: «Lui, il doit utiliser les yachts des autres alors que moi, j’ai les miens.» Bref, tout est mensonge. Non. Disons que tout cela est relativement sincère et correct en Italie, cela ne fait pas partie de la «grande» politique, on n’en parle pas, on n’en discute pas dans les médias. Peut-être ce refoulement est-il le mensonge le plus néfaste. C’est pourquoi ma prochaine chronique s’intitulera «les belles choses de mon pays». Mais peut-être suis-je en train de vous dire un mensonge?

(Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli)

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